Son Histoire
Une seule rue du village porte le nom d’une personne : l’Abbé Marchal. Qui était-il ? Alfred Marchal est né en 1862 à Lubécourt près de Château-Salins. Avant de venir à Féy, il fut curé dans les Ardennes à Daigny, près de Sedan. C’est à l’âge de quarante ans qu’il fut incardiné au diocèse de Metz, d’où il était originaire.
Son action pastorale
Aux dires des anciens qui l’ont connu, l’abbé Marchal était un prêtre d’une grande rigueur doctrinale et morale, ardent défenseur de la foi et de la vie chrétienne. Certains le disaient d’une grande sévérité, soulignée par une grosse voix de paysan lorrain. Sa maigreur lui donnait un visage ascétique mais ses yeux trahissaient une grande bonté et un humour qui équilibraient son sens du devoir et laissaient deviner des sentiments profondément humains.
Dès son arrivée à Féy, il mena de pair la restauration du spirituel et du temporel dans la paroisse.
Il remit à jour les vieilles confréries de la prière et inventoria tout ce qu’il y avait de valable sur son territoire pastoral. Les registres paroissiaux et le journal des délibérations nous racontent ses premiers travaux de restauration de l’église qui n’était pourtant pas très vieille (1859).
Dès Quasimodo 1903 (deuxième dimanche de Pâques), il envisagea la pose de fenêtres de protection à l’extérieur des vitraux. Il écrivait : « Le séjour à l’église pendant les grands froids de l’hiver était particulièrement pénible à cause d’un puissant courant d’air arrivant par 13 grandes baies vitrées disloquées par les intempéries et les orages violents ». Il fut donc décidé de doubler à l’extérieur les 13 vitraux par du verre dépoli de 6mm d’épaisseur. La dépense était considérable ; il fallait 117 m2 pour un devis de 1 400 marks or.
En 1905, l’usure des coussinets des cloches était telle qu’on ne pouvait sonner que très difficilement les cloches à la corde (il n’y avait pas encore d’électricité).
En 1906, la ferme de Sabré fut rattachée à la juridiction pastorale de Féy après avoir été détachée de Cuvry.
En 1912, grand branle-bas de travaux à l’église : il fallait refaire l’intérieur de l’église, les plafonds, les murs, la peinture pour un devis chiffré à 12 000 marks or par l’architecte Ochs.
Son action sociale et syndicale
Comme tout curé d’avant-garde à l’époque, l’abbé Marchal créa à Féy une Caisse Mutuelle Agricole de Dépôts et de Prêts, l’équivalent d’une Caisse d’Epargne locale aux dimensions des besoins de Féy. Cette caisse permettait l’autofinancement de la collectivité et des particuliers, tout en donnant des intérêts aux déposants.
C’est ainsi que ladite Caisse permit à beaucoup d’acheter ou de réparer une maison, d’acheter un champ ou une machine agricole. Les crédits étaient accordés aux habitants de Féy contre un léger intérêt, redistribué aux déposants.
L’abbé s’occupa aussi activement des achats groupés de semences, de charbon, de ravitaillement divers. Il pratiqua même de l’Assurance Mutuelle Incendie et payait souvent à la place des négligents et des retardataires pour les tenir en règle avec la Mutuelle Incendie de Chaumont. La Caisse Mutuelle des Dépôts et Prêts était elle-même affiliée à la Banque Fédérative Rurale de Strasbourg et régulièrement inspectée par des comptables assermentés. Féy fut une des premières Caisse du secteur avec Sillegny et Lorry-Mardigny.
Son action fut éminemment bénéfique sur le plan social et économique. Sa caisse était l’une des fiertés de l’abbé Marchal. Il faut dire que créer une mutualité parmi les cultivateurs très indépendants et individualistes à outrance constituait un exploit et n’allait pas sans difficultés.
La fugue de l’abbé Marchal
En mars 1914, l’abbé Marchal demande son changement à l’Evêché. Il réunit le conseil de fabrique le 17 mars et, en présence de l’archiprêtre, remet sa démission en même temps que ses comptes.
Que s’est-il passé dans son esprit ?
Pour les non-initiés, le geste restera étrange et l’explication difficile. Peut-être certains ont-ils lu le roman de Jean Montaurier qui décrit l’état d’âme d’un archiprêtre qui plaque sa paroisse et ses intrigues pour faire une fugue avec de braves pêcheurs en mer.
Au bout de dix-douze ans dans une même paroisse se produit assez fréquemment une crise profonde chez le prêtre, sensible à la lourdeur de la pâte humaine, aux incompréhensions, à l’indifférence, aux tensions trop humaines. L’inefficacité de son action lui pèse et le submerge. Il se débat seul avec ses états d’âme. La fugue le tente à ce moment-là. Alfred Marchal s’est enfui avec ses problèmes à Lorry-Mardigny de mars 1914 au 1er octobre de la même année.
Les paroissiens de Féy – c’est à leur honneur – lui ont rendu visite lors de l’Adoration Perpétuelle à Lorry. Les retrouvailles furent émouvantes ; on pleura de part et d’autre : l’amour reprenait le dessus et l’abbé revint à Féy avec les siens pour une deuxième lune de miel. « Je n’ai fait que deux bêtises dans ma vie » avoua-t-il, « la première fut celle de venir à Féy, la seconde de m’enfuir de Féy ».
Ses dernières années
Il prit sa retraite de curé en 1938 mais demeura sur place pour continuer à partager la vie de ses anciens paroissiens.
Sur ses vieux jours, surtout après le retour de l’expulsion en 1945, l’abbé Marchal se détacha de tous ses biens et vécut dans la pauvreté. On le voyait pieds-nus dans ses grands sabots lorrains. Il flottait littéralement dans sa vieille soutane verdie. Parfois, on le rencontrait portant sa gamelle de soupe qu’il cherchait à la cantine des prisonniers de guerre allemands. Il était aussi pauvre qu’eux et sans fierté.
L’abbé Marchal tomba malade aux environs de Noël 1949 lors d’une visite à sa famille. Il mourut à Lubécourt en avril 1950 et fut enterré au cimetière d’Amelécourt. Ce n’est qu’après la restauration de la chapelle, en 1980, que son corps fut rapatrié à Féy pour y être inhumé.
Son souvenir
Ce qui était attachant chez ces vieux curés, ce n’était pas la technique de leur pastorale, le brillant de leur savoir-faire (l’abbé Marchal est toujours resté un vieux paysan lorrain), c’était leur humble foi en Dieu et en l’homme, malgré les insuffisances et les bavures, leur cœur d’or derrière la rudesse et les aspérités de leur verbe et de leur caractère.
En devisant joyeusement avec l’équipe de restauration de la chapelle, l’un d’entre eux me disait : « On l’a fait tellement belle sa chapelle qu’il ne voudra plus s’en servir le jour du Jugement ». Certes, il n’aura plus envie de s’enfuir de Féy mais gageons qu’il s’occupe encore aujourd’hui avec sollicitude de ses paroissiens. Après avoir servi fidèlement pendant 35 ans le premier patron de l’église de Féy, Saint Pierre aux Liens, il est devenu patron protecteur de cette paroisse, Alfred l’Enchainé.
Dernière mise à jour le 22.07.2025